Manger de la viande, est-ce culturel?

Quand j’ai commencé ce blog, je savais qu’il fallait aborder la question des produits d’origine animale. Dès le début, je réalisais que si je voulais diminuer mon empreinte écologique, il fallait que je diminue ma consommation de viande. Cette transition alimentaire difficile me demande beaucoup de réflexions. L’aborder par mon rapport à la viande me semble être un bon début.

Une histoire de culture

La France est le pays de la gastronomie, qui est classée depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. La gastronomie française est représentée, selon moi, par des plats aussi typiques que : le bœuf bourguignon, la choucroute, la blanquette de veau, le coq au vin, le cassoulet, le foie gras, la pâtisserie … Dans mon imaginaire, la gastronomie c’est essentiellement un plat de viande en sauce.

Ma particularité est d’être née dans le Charolais, le pays d’origine de la race bovine à viande, la charolaise, à la robe blanche et mondialement connue. Je les ai vues chaque jour dans les prés quand j’étais petite. D’ailleurs, dès que j’en aperçois une, çà me rappelle mon chez moi. La viande bovine fait partie de ma culture. J’ai appris, très jeune, à reconnaître une bonne viande d’une mauvaise, à apprécier un morceau d’araignée, de poire, de merlan ou d’onglet. En revanche, je ne me suis jamais résolue à manger de la viande crue. Presque une hérésie selon certains!640px-Vachescharolaises

Crédit photo : By Mzelle Biscotte  [CC BY 2.0], via Wikimedia Commons

Les scandales

Au milieu des années 90 éclate le scandale de la vache folle et mes premières interrogations. Comment peut-on nourrir des ruminants avec des farines d’origine animale? En plein Charolais, on martelait que les vaches étaient au pré, nourries à l’herbe, élevées dans des conditions décentes. Un scandale de ce type ne pourrait pas arriver ici. Et puis, les scandales se sont enchaînés pour finir par découvrir les dessous de l’industrie de la viande avec l’affaire des lasagnes à la viande de cheval. J’ai commencé à avoir beaucoup de doutes.

Mon aversion pour la viande

Quand je suis entrée à la fac, il a bien fallu que je me mette à cuisiner. En réalité, je le faisais déjà un peu avant. Malheureusement, je ne supporte pas de toucher la viande : le bœuf, le porc ou la volaille. Surtout la volaille et ce depuis le cours sur la dissection d’une tête de poulet plongée dans le formol en terminale. Je ne sais pas si c’est l’odeur du formol ou la vue de cette tête qui m’a le plus révulsé. Inutile de vous dire que je suis passée pour une « froussarde ». Aujourd’hui encore, il m’est impossible d’ouvrir un frigo avec un volatile entier à l’intérieur. Je ne supporte pas de voir une tête de volaille morte.

Puis un jour, Mr Marmotte est arrivé. Et là je me suis mise à cuisiner de la viande toujours sans la toucher. Alors j’ai trouvé des trucs : utiliser tout un tas d’ustensiles (fourchette, cuillère, spatule …) pour que mes doigts ne touchent pas « cette viande ». Je pense que ma façon de cuisiner la viande doit être comique pour quelqu’un d’extérieur. La viande est un bien grand mot, c’était plutôt des steaks de bœuf, des filets de poulet ou de porc. J’avoue que ce n’était pas varié. Quant au poisson, Mr Marmotte avait droit à du poisson carré, congelé, pané ou pas. Bien sûr, c’est toujours trop cuit, presque impossible à manger. Enfin, je n’achetais pas de la « bonne viande » puisqu’elle venait du supermarché et mon critère d’achat était le prix. Et j’ai continué ainsi sans trop me poser de questions car pour moi manger de la viande c’est culturel.

Aujourd’hui

Je ne mange plus ni viande ni poissons et autres produits de la mer. J’ai toujours eu un rapport ambigu à la viande. J’ai été élevée dans un milieu où l’élevage est très ancré mais il était très difficile de refuser un bon steak. Avec l’aventure de ce blog, j’ai pris conscience de l’impact environnemental de la viande, des conditions d’élevage des animaux alors je me suis renseignée sur les alternatives. J’ai compris qu’il n’était pas obligatoire de consommer de la viande pour être en bonne santé donc petit à petit j’ai diminué puis complètement arrêté d’en manger. Cependant, il est toujours compliqué d’en parler parce que les habitudes sont tenaces. J’ai mis plus d’un an avant d’oser publier ce billet. Si au début arrêter de manger de la viande me permettait de limiter mon impact écologique et de ne plus toucher la viande, je me suis rendue compte aussi que je faisais souffrir des animaux. Malheureusement, je sais que ce n’est pas suffisant mais c’est un étape importante pour moi.

Et vous, avez-vous diminué votre consommation de viande? Pour quelles raisons?

14 réflexions sur « Manger de la viande, est-ce culturel? »

  1. Iza

    Je ne mange plus de viande non plus, depuis des années, ni produits de la mer, produits laitiers, miel, etc. Je n’ai jamais aimé la viande tant que ça (sauf le lard fumé), j’ai plutôt été élevée dans le style « poissons, fruits de mer » puisque je suis d’origine Bretonne. Comme quoi les origines, ça compte 😉
    Mais plus j’en apprenais sur la nourriture, le bio, les conditions d’élevage et d’abattage, plus j’ai eu envie de devenir végé, puis végane. Mon alimentation a changé et ce qui m’a empêchée de changer plus tôt, c’est que ce que je pouvais préparer ne ressemblait plus tellement à ce que je connaissais. Si j’avais été seule, ça aurait été plus facile, mais ça l’était moins avec une famille à la traîne. Mais bon, j’ai fait des recherches, j’ai testé, j’ai goûté et je m’en sors bien maintenant, surtout grâce à internet !
    Je vis en accord avec moi-même sur différents niveaux : l’écologie (d’après le test dont tu avais mis le lien dans un précédent article, je ne consomme « que » 1,7 planète !), l’éthique (humaine autant qu’animale), ma santé (ça fait une paye que je n’ai pas été malade), bref, ça baigne 😉 Mais je t’accorde que manger différemment en société, ça n’est pas facile !

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Je pense que nos origines ou les traditions familiales comptent beaucoup dans notre régime alimentaire. Avoir un régime alimentaire différent par choix ou par obligation (maladies…) suscite beaucoup de questions en société. En fait, on me pose souvent la question « Pourquoi je ne mange plus de viande? » et j’ai envie de répondre « Pourquoi vous mangez de la viande? ». D’ailleurs, j’aurai pu intituler mon article comme cela.
      Enfin, je pense qu’il faut être en accord avec soi-même ce qui semble être ton cas et c’est super pour toi et pour le planète. 😉
      Bon weekend

  2. Clémentine

    Bonjour Catherine,
    Comme je comprends ton aversion à toucher de la viande, je n’ai jamais pu non plus tant je trouvais ça dégoûtant. Une autre chose m’a toujours été impossible, entrer dans une boucherie ! La vue bien sur du sang notamment, mais surtout l’odeur qui me fait vomir presque immédiatement.
    Je n’ai donc jamais beaucoup consommé de viande, et toujours très cuite pour la cacher un peu.
    Je suis végétarienne depuis quelques années maintenant et me sens vraiment mieux avec moi-même. Par contre, j’ai de plus en plus de mal à voir ces charolaises (mon père est dans la Nièvre) dans les prés en sachant le sort qui les attend.
    Je crois qu’être végétarien permet un plus grande conscience de ceux qui nous entourent.
    Je suis un blog (http://sunylechevelee.blogspot.fr/) qui est aussi végétarienne depuis peu dans une famille d’éleveurs, peut-être trouveras-tu des réponses, en tous cas, tu y verras les mêmes questions.
    Celles auxquelles on a tous droits en tant que végéta*iens (je suis à un cheveu du végétalisme, me reste le beurre sur les tartines).
    Bonne journée, Clémentine.

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Bonjour Clémentine,
      merci pour le lien vers ce blog que je ne connaissais pas, je vais aller le lire.
      J’ai toujours mangé la viande très cuite aussi et j’ai, comme toi, du mal à rentrer dans les boucheries depuis que près de chez moi, c’est ouvert une supérette à viande.
      Je suis toujours nostalgique des charolaises dans les prés même je sais maintenant leur destin.
      Bonne soirée à toi aussi.

  3. Emilie

    J’ai beaucoup aimé lire ton témoignage Catherine. Il y a tant de chemins différents, c’est important de les partager.

    Autant arrêter de manger de la viande ne fut pas un problème, même au sein de ma famille, autant les produits laitiers me laissent toujours dans une sempiternelle contradiction coupable. Quel est ton rapport avec les produits laitiers?

    Je pense vraiment que je me situe plus du côté des welfaristes que des véganes car je verrai toujours en l’élevage un moyen de subsistance important, notamment du point de vue économique avec la valorisation de terroirs qui ne peuvent accueillir de grandes cultures, ainsi que comme un architecte du paysage, permettant d’entretenir nos espaces ouverts, nos prairies et notre patrimoine.
    Et dans ta famille, comment cela se passe-t-il? arrivent-ils à s’ouvrir face à tes nouveaux choix ?

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Merci pour ton retour Émilie.
      Pour les produits laitiers, j’ai diminué mais pas arrêté. En tout cas, je n’ai pas eu de véritables objections dans la famille.
      J’ai aussi le même questionnement concernant l’élevage. Il participe à l’entretien des paysages, le bocage charolais en est un exemple. Je m’interroge sur les deux approches mais je n’ai pas d’avis tranché.

  4. Marion

    Bonjour Catherine! Pardonne ma réponse tardive, comme toi il me coûte d’exprimer sur la place publique mon ressenti, étant en pleine remise en question de mon alimentation (de notre alimentation?). Merci à toi pour ce beau témoignage, qui montre qu’à force de volonté on peut changer des habitudes de consommation pourtant bien ancrées dans les traditions familiales, et particulièrement dans ton cas.

    Ici le déclic est venu quand j’ai commencé à lire beaucoup la blogosphère verte, et à côtoyer de plus en plus de personnes végéta*iennes. Face à autant d’arguments (en termes de bien-être animal, mais tout autant en termes d’impact environnemental) en faveur d’une alimentation sans viande j’ai fini par me demander quels arguments j’avais pour justifier le fait d’en manger. La réponse que j’ai trouvée: aucun, si ce n’est mon plaisir égoïste (oui, j’aime la viande!) et des habitudes bien ancrées qui me semblaient immuables.

    Et puis, au fil des mois, l’idée a fait son chemin…J’ai commencé à ne plus regarder la viande dans mon assiette du même oeil. J’ai sauté le pas, et diminué ma consommation de viande à une à deux fois par semaine, pour finir par ne plus en manger à la maison, bien que j’en cuisine (moins aussi) pour ma famille. Il m’arrive très ponctuellement d’en manger quand je suis invitée. A côté, j’ai diminué ma consommation de poisson aussi (à termes, pour les mêmes raisons que la viande, j’aimerais ne plus en manger), et je ne consomme pour ainsi dire plus de produits laitiers.

    En parallèle, j’ai commencé à découvrir des recettes à base de légumineuses et à m’émerveiller devant les saveurs du végétal.

    Contrairement à ce qui est affirmé dans le petit traité de veganisme (qui au demeurant est fort intéressant), pour ma part, c’est un cheminement qui s’inscrit dans la durée, à force de petites modifications de nos habitudes alimentaires, qui mises bout à bout finissent par devenir un mode d’alimentation complètement différent. Et même si cela paraît sans doute peu pour certaines personnes qui sont bien plus avancées dans leur cheminement, je suis fière de moi car je n’aurais jamais pensé pouvoir évoluer autant. D’autant que c’est une évolution qui s’inscrit dans une démarche plus globale: consommer de manière raisonnée, produire de moins en moins de déchets…

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Bonjour Marion! Il n’est pas toujours évident de parler de son régime alimentaire surtout quand il ne ressemble pas à la majorité. Je comprends tes doutes et je les respecte. Merci d’avoir partagé ton expérience. Je pense que le cheminement vers un régime végétarien est très personnel et doit se faire à son propre rythme. De plus, la cuisine végétarienne est pleine de saveurs malheureusement trop méconnue mais c’est une vraie découverte pour moi.
      Je n’ai pas lu le petit traité du véganisme mais je pense qu’il doit être intéressant de le lire. Chaque petit pas compte et il faut en être fière. Et quelque fois, il ne faut pas trop se comparer aux autres sous peine de nous décourager.

  5. Émilie

    Bonjour, je suis d’accord avec ça : manger de la viande est culturel.
    Ce qui est culturel n’est pas forcément ce qui est le plus éthique.
    Pour moi, devenir végétarienne a été un moyen de prendre le contrôle sur ma vie, et c’est une décision qui ne concerne que moi. L’acte de se nourrir, de manger, est personnel, et ne devrait pas être influencé par la tradition, par la famille ou la société.
    On ne mange pas pour faire plaisir à sa mère ou pour ne pas vexer la personne qui cuisine, alors je ne m’excuserai pas si l’aspect, l’odeur ou le goût de la viande me dégoûte !

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Bonjour Emilie,
      Contrairement à d’autres pays, en France, il est traditionnel de manger de la viande et quelquefois il est difficile d’aller à contre-courant. Je suis heureuse que le végétarisme te convienne et que ton choix soit assumé mais je sais que ce n’est pas tous les jours évident.

  6. Céline

    Merci Catherine pour ton témoignage !
    Pour moi tout à commencer avec la découverte de mes intolérances alimentaires (le blé et les oeufs)… ce fut la porte ouverte sur les changements dans mon alimentation: lire les étiquettes, m’informer sur les ingrédients puis sur la provenance des aliments mêmes… En même temps, ma conscience écologique s’est éveillée et j’ai pris la décision et après le visionnement de reportages sur l’élevage industriel et la lecture de billets en lien avec le sujet (l’impact sur l’environnement, la santé et le côté éthique), j’ai pris la décision d’arrêter de consommer de la viande (que je n’aimais pas tant que ça de toute façon). Ce fut un vrai ras-de-marais tout ça pour moi, comme si tout d’un coup, je me réveillais après 20 ans d’aveuglement !! (j’ai notamment beaucoup culpabilisé sur le fait de n’avoir pas ouvert les yeux plus tôt)
    Aujourd’hui, je continue mon cheminement mais je suis loin d’être toujours totalement cohérente et logique dans mes choix (par exemple, je mange encore du poisson, certes issus de la pêche responsable mais du poisson quand même)…
    Comme tu le soulignes très bien, c’est vraiment culturel tout ça et ce n’est pas facile de tenir le cap et surtout d’expliquer et de faire comprendre à son entourage le pourquoi de ce choix (je viens moi-même d’Auvergne, la région de la charcuterie et des fromages !!)
    Au Québec, la viande fait aussi partie de la culture: c’est le pays du barbecue ici ! Je trouve que la ville de Québec est en retard par rapport à Montréal car les commerces/restaurants qui proposent des alternatives végétariennes sont moins nombreux par exemple.

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      La découverte d’une maladie ou d’intolérances nous amènent souvent à changer notre alimentation et à s’interroger sur celle-ci. La remise en cause n’est pas évidente et est la porte ouverte à de nombreuses questions. Cependant, j’essaie toujours de voir le côté positif des choses car cela m’aide à avancer. Bien sûr, je suis végétarienne depuis très peu de temps et comme toi j’aimerais être au maximum cohérente mais je ne veux pas culpabiliser et (trop) me comparer aux autres, chacun son cheminement.
      Ici aussi c’est la pleine saison des barbecues et l’odeur de la viande n’est pas vraiment agréable à mes narines. 😉

  7. Hugh

    Bonjour Catherine

    j’étais enfin venue chercher ta recette de lessive maison et je suis tombée sur le sujet qui m’intéresse au plus haut point

    Je mangeais déjà très peu de viande, je suis d’origine Réunionnaise et le melting-pot culturel aidant ( Inde Afrique Asie entre autre) je consommais pas mal de légumineuses associées aux céréales. Comme beaucoup d’entre nous les scandales alimentaires, sanitaires, l’impact écologique, la souffrance animale m’ont fait me poser beaucoup de questions. Nos filles, jeunes majeures, à qui nous avions transmis une certaine sensibilité au monde, nous ont montré le chemin, et de peu de viande la petite famille est devenue végétarienne. ( ovo-lacto végétarien) Nous n’avons pas eu de difficulté majeure à changer de mode d’alimentation.
    Aucun problème dans mon entourage immédiat, je ne m’en vante pas , je ne fais pas de prosélytisme, je ne critique pas ceux qui n’ont pas fait le même chemin, mais n’ai aucune gêne ou honte à dire que je ne mange pas de viande.
    Quand on me pose la question, je donne mon point de vue, et je me rends compte que les gens autour de moi commencent à réfléchir, voire à abonder dans mon sens.
    Mes jeunes rencontrent plus d’obstacles dans leur quotidien, parfois même un peu de moquerie; même si bon nombre de leurs amis sont aussi végétariens.
    Merci Catherine pour ce blog que je n ‘ai pas assez fréquenté, il est très intéressant.
    sujets d’actualité, beaucoup de réflexion, ouverture d’esprit.
    J’Y REVIENDRAI.

    Huguette974 (ex Memrise)

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      Bonjour Huguette,

      Je suis ravie de te voir par ici. Cà me fait plaisir d’avoir de tes nouvelles.
      Je suis contente que toute ta famille adhère au végétarisme et que tout cela se passe merveilleusement bien. L’histoire personnelle joue beaucoup dans notre régime alimentaire et la transition est souvent plus simple quand on est habitué à manger très peu de viande.
      Aujourd’hui, je pense qu’il est aussi plus facile de parler de végétarisme mais ce n’est parfois pas évident de défendre son point de vue. Cela dépend de chacun.

      Merci pour tous tes compliments sur le blog. Cà me motive beaucoup.

      Je te souhaite un bel été.

      Catherine

Les commentaires sont fermés.