Aujourd’hui, je vous parle d’un sujet très éloigné des thèmes que j’aborde habituellement sur ce blog. Si je n’ai pas vraiment l’habitude de parler de moi, cette fois-ci, je vais aborder une question très intime : la fausse couche. Elle est souvent passée sous silence, sous-estimée ou traitée comme un simple accident de parcours. Mais quand elle survient, le bouleversement est profond. Elle met en doute nos certitudes et ce que l’on croyait acquis ne l’est plus. La non-reconnaissance de notre perte ajoute bien souvent de la peine à notre douleur. En particulier les personnes non concernées par le sujet font, en général, des remarques très maladroites. Si j’ai écrit cet article, c’est pour témoigner, dire que la fausse couche n’est pas une maladie bénigne.
Cet été, j’ai été enceinte. Et cet été, j’ai fait une fausse couche. Enfin, pour être précise, cet été je suis tombée enceinte pour la troisième fois. Et pour la troisième fois, j’ai fait une fausse couche.
Je vis chaque fausse couche comme en deuil et il me faut du temps pour me remettre complètement. Alors si la douleur peut être traitée par des médicaments, la douleur psychologique, elle, met plusieurs semaines à se résorber. Dans les jours qui suivent, j’ai tendance à me recroqueviller sur moi-même, à rester à la maison et à me couper du monde, le temps d’oublier. J’évite les femmes enceintes et les enfants en bas âge. D’ailleurs, je ne supporte plus qu’on crie sur les enfants. Toutes ces situations, je peux les éviter simplement en changeant de trottoir, par exemple. Cependant, pour d’autres, je suis coincée car il est parfois très difficile de mettre fin à une conversation qui me dérange.
Mais, au bout de trois fausses couches, je suis très fatiguée d’entendre certaines remarques parce que cela me prend beaucoup d’énergie pour rester une personne calme et ne pas m’énerver. Et de l’énergie, j’en ai vraiment besoin, en ce moment. J’ai été plusieurs fois blessée par certains propos et j’aimerais revenir sur certaines phrases qu’il faudrait éviter de prononcer. Alors voici les questions ou remarques que j’aimerais ne plus entendre.
« Et les enfants, c’est pour quand? »
Toutes les femmes sont confrontées au moins une fois dans leur vie à cette question. Si autrefois, j’éludais la question par un « On verra », aujourd’hui, difficile pour moi de faire la même réponse, tellement les conséquences sont différentes. Les femmes veulent ou ne veulent pas d’enfants, peuvent ou ne peuvent pas avoir d’enfants mais dans tous les cas, cela ne vous regarde pas. C’est une question qui peut être blessante donc arrêtez de la poser, s’il vous plaît. Votre vision du couple ou de la famille ne correspond pas forcément à celle de votre interlocutrice ou interlocuteur. Si elle ou il veux évoquer le sujet, elle ou il le fera. Pour compléter, je vous renvoie à cet article d’Anouchka : Pourquoi il ne faut jamais demander « Alors, c’est pour quand les enfants? ».
« Tu sais, ma tante Berthe, elle a fait une fausse couche et elle a eu trois enfants. »
Je suis ravie pour votre tante Berthe. Une grossesse sur 5 environ se termine par une fausse couche. Voilà pourquoi il est conseillée d’éviter d’en parler pendant les trois premières mois, les plus à risques. Sauf que 80% des grossesses arrivent à terme et que je ne fais pas partie du lot. Dommage! Alors oui ma deuxième grossesse aurait pu très bien se passer mais ce ne fut pas le cas. Je fais partie de ces 2% de femmes qui ont subies 3 fausses couches précoces d’affilée ou plus. Toutes les histoires sont différentes et certaines se finissent bien. Et non, vous ne savez pas si mon histoire se terminera bien.
« Maintenant que tu es suivi, çà va marcher! »
Quand vous faites des fausses couches spontanées à répétition, il y a une batterie de tests standards à réaliser pour déterminer la cause. Lorsque j’ai rencontré la gynécologue du centre de PMA, elle m’a expliqué que dans 60% des cas, les médecins trouvaient la raison mais jamais elle ne m’a dit si cela allait aboutir. Non les médecins ne savent pas, non je ne sais pas si çà va marcher alors comment vous savez? Enfin, tous ces examens doivent se faire dans des conditions strictes qui induisent un stress. Je rentre bien souvent épuisée nerveusement et je n’ai pas envie d’expliquer que peut-être cela ne marchera jamais même si je suis prise en charge médicalement.
« Tu sais, un enfant çà coûte cher »
Quand j’ai entendu cette remarque, j’ai été extrêmement blessée. La personne qui me l’a faite était parfaitement au courant de ma situation. Vous pouvez être enceinte, être tout à votre bonheur mais soyez aussi discrète. N’évoquez pas ce sujet devant une femme dont vous savez qu’elle a perdu son bébé. Je sais que l’arrivée d’un enfant bouleverse la vie d’un couple mais un peu de retenue ne fait pas de mal.
« Il faut y croire pour que çà marche »
Y croire ne suffit pas pour çà marche. La grossesse est une suite de réactions très complexes et l’alchimie n’est pas toujours au rendez-vous. Dans mon cas, il ne suffit pas d’y croire. J’ai plus de chances de faire une fausse couche à chaque fois que je tombe enceinte que l’inverse.
La fausse couche ne touche pas seulement la femme mais le couple dans son ensemble. Chacun-e réagit différent mais dans tous les témoignages que j’ai lu ou entendu, c’est une grande souffrance qui ne doit pas minimisé. La perte d’un embryon ou d’un fœtus lors d’une fausse couche précoce ou tardive ne doit pas être ignorée. Dans nos sociétés modernes, la grossesse est souvent sur-investie dès les premiers jours alors ces femmes ont besoin de la reconnaissance de cette disparition. Ces phrases considérées comme anodines peuvent blesser car une fausse couche n’est pas un fait insignifiant.
Alors nous n’avons pas besoin de vos conseils mais de votre soutien, de votre compréhension et de votre bienveillance. Respecter nos choix d’en parler ou de ne pas parler mais avant il faut tout respecter notre deuil.