Bon pour la casse de Serge Latouche

En ce mois de novembre, je participe à l’éco-défi Découvrir des lectures engagées et inspirantes du blog Echos verts. A cette occasion, Natasha a réuni autour d’elle une vingtaine de blogueuses qui présentent, chaque jour du mois sur leur blog respectif, un livre en lien avec l’écologie et/ou l’éthique. Hier, Marie vous a présenté 365 idées vertes pour vivre au naturel sur le blog A Glowing Yogini.

Aujourd’hui j’ai sélectionné le livre Bon pour la casse, les déraisons de l’obsolescence programmée de Serge Latouche. Professeur d’économie, l’auteur a écrit de nombreux livres sur la décroissance et propose dans celui-ci, datant de 2012, de comprendre l’origine de l’obsolescence programmée et ses conséquences.

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Nous avons tous connu une machine à laver qui tombe en panne, un ordinateur qui refuse de s’allumer et bien souvent quand la garantie vient d’expirer. Nos appareils électroniques et nos objets quotidiens ont-ils un temps d’utilisation fixé? Et si oui, par qui et pourquoi?

L’addiction à la croissance

L’accumulation de biens conduit nos sociétés à produire et consommer plus. Mais cela accroît « la pollution, les déchets et la destruction de l’écosystème planétaire ». La société de consommation a donc pour but de susciter de nouveaux besoins afin d’écouler des produits toujours fabriqués en plus grande quantité. La recherche de la croissance impose d’innover en permanence, de chercher des nouveaux débouchés pour chaque objet  au mépris de l’être humain (chômage, délocalisation) et de la nature.

« Quant à la nature, vers laquelle tous s’efforcent d’externaliser les coûts et la souffrance de la croissance, elle est exploitée, saccagée et détruite sans pitié » (p 18)

La publicité créant le désir, le crédit donnant les moyens et l’obsolescence programmée renouvelant la nécessité sont les trois tactiques mises au point pour nous transformer en « consommateurs obligatoires, voraces et gaspilleurs ». L’auteur précise que le budget de la publicité est le deuxième (au niveau mondial) après l’armement. D’après un sondage réalisé auprès de PDG américains, « 85 % d’entre eux déclarent que la publicité persuade fréquemment les gens d’acheter des choses pour lesquelles ils n’ont pas d’usage. » Même le crédit permet aux plus pauvres de consommer. Eviter la publicité, dire non au crédit est toujours possible mais que faire face à l’obsolescence programmée?

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L’obsolescence programmée : origines et conséquences

Saviez-vous qu‘une ampoule brille depuis plus de cent ans dans une caserne de pompiers californienne? Saviez-vous qu’à l’origine, on pouvait tracter une voiture avec un bas nylon et que les lames de rasoir étaient inusables? Saviez-vous qu’une imprimante est programmée pour s’arrêter au bout de 18 000 copies? Comment est-on passé d’un produit durable (ampoule, bas, rasoir…) à un produit périssable (imprimante) qu’il faut racheter?bon_casse_latouche

Dans son livre d’une centaine de pages, Serge Latouche nous propose de comprendre l’origine de l’obsolescence et ses différentes formes (technique, psychologique et programmée ou planifiée). Si le progrès technique est normal, les effets de mode ou la planification délibérée de l’usure des objets est beaucoup plus discutable. L’obsolescence n’est pas récente dans l’histoire de l’humanité mais au début du 20ème siècle, elle prit de l’ampleur avec la transformation des mentalités, l’abandon des produits robustes, le goût pour les produits futiles et la généralisation de l’American Way of Life. Vous découvrirez également comment les industriels se sont entendus pour nous pousser à consommer encore et toujours (cartel Phoebus, le modèle de Détroit). L’auteur revient également sur l’apparition des produits jetables, nous montre comment les fabricants et les publicitaires ont étendu l’obsolescence planifiée à tous les domaines de la vie quotidienne (textile, hygiène, produits électroniques, produits culturels, alimentaire …)

« L’obsolescence programmée touche à l’écologie dans ses deux volets principaux, le gaspillage des ressources naturelles et le débordement des poubelles. » (p 115)

7710524664_dca17ae618_zCrédit : Frédéric Bisson

Dans la dernière partie du livre, Serge Latouche s’interroge sur la moralité et l’éthique de l’obsolescence programmée et les solutions pour y remédier. En période de crise, les politiques poussent les citoyens à consommer. Si les ouvriers perdent leur emploi et les usines ferment faute de clients, « l’obsolescence raisonnée » est-elle une réponse au bien-être de tous? Ainsi certains plaideront en faveur de l’obsolescence programmée pour relancer l’économie. L’auteur va même jusqu’à nous questionner sur l’obsolescence de l’être humain et sur le courant du transhumanisme, très en vogue ces derniers temps. Le temps s’accélère, tout devient éphémère. L’humain sera-t-il un jour dépassé par les techniques et les machines?

L’obsolescence programmée se heurte aux limites physiques de la biosphère mais aussi à la résistance des consommateurs. L’épuisement des ressources (énergies fossiles, minerais, ..) sur laquelle repose notre économie de croissance est une réalité. Le gaspillage doit cesser. Plusieurs solutions s’offrent à nous comme la location au lieu de l’achat, l’écoconception des produits et l’économie circulaire. Durabilité, réparabilité, recyclage doivent entrer dans notre vocabulaire pour tendre vers une société d’abondance frugale et apprendre à partager l’usage de biens durables.

478485858_64cce09dea_zCredit : Don O’Brien

« Retrouver cette faculté d’émerveillement, qui permet de développer une attitude de fidélité et de reconnaissance envers la Terre-mère, voire une certaine nostalgie, est la condition de réussite du projet de construction d’une société de décroissance sereine, pour échapper au destin funeste d’une obsolescence programmée de l’humanité. » (p 135)

Demain, Clémentine du blog Clémentine la Mandarine vous présentera un nouveau livre engagé et inspirant.

Connaissez-vous l’obsolescence programmée? Avez-vous déjà été confronté-e à ce phénomène?

Bon pour la casse, les déraisons de l’obsolescence programmée, Serge Latouche, Editions Les Liens qui Libèrent, 2012, 13€

Pensez aux bibliothèques, aux boites à livres, à l’achat d’occasion ou au troc pour vous procurer ces livres. Les librairies indépendantes de votre région seront aussi de bons conseils pour l’achat de livres neufs.

4 réflexions sur « Bon pour la casse de Serge Latouche »

  1. Emilie

    Merci pour cette présentation extrêmement intéressante!
    Je suis heureuse de voir qu’il s’agit d’un livre d’un autre format que ceux que Serge Latouche a déjà écrits (tout petit, presque carrés – j’en ai un sur le développement durable et un sur la décroissance) car trop petit nuit vraiment à ma qualité de lecture et je n’ai jamais su dépasser le tiers !
    Les appels incessants à la croissance et à la consommation ont le don de me hérisser le poil… Et comme on semble étrange à autrui quand on veut faire réparer plutôt qu’acheter neuf! Pour ça, il y a quand même des changements qui se profilent doucement grâce à des citoyens engagés. Des produits électro-ménagers au PC et téléphone, on commence heureusement à voir des produits modulables et remplaçables – comprendre avec des éléments non soudés entre eux comme cela arrive avec les PC ! Et l’émergence des Repair Café est une superbe initiative aussi 🙂
    Comme d’habitude, j’ai pris grand plaisir à lire ton article, toujours si clair et bien construit !

    1. la marmotte chuchote Auteur de l’article

      Merci Emilie pour tes compliments. Le livre est un peu plus grand qu’un format de poche donc il devrait te plaire. La réparation a été oubliée depuis une cinquantaine d’années mais de nombreuses initiatives se développe et c’est tant mieux.

    1. Catherine [la marmotte chuchote] Auteur de l’article

      L’obsolescence programmée se cache vraiment partout. Merci pour le lien, je vais aller voir.

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